L'essaimage au rucher
Les abeilles n'ont qu'une seule mère ; la reine. Même si cette dernière peut vivre longtemps (quatre à cinq ans), il n'en reste pas moins qu'elle doit mourir un jour. À ce moment, comment les ouvrières la remplacent et de quelle manière s'y prennent-elles ?
Les ouvrières peuvent créer des reines pour deux raisons : pour essaimer et remérer.
L'essaimage
L'essaimage consiste en fait à la création d'une nouvelle colonie d'abeilles par la division de la colonie originale. C'est le mode de reproduction naturel des abeilles. Pour ce faire, les ouvrières vont élever une (et souvent plusieurs à la fois) nouvelle reine dans la ruche, alors que l'ancienne reine est toujours en vie. Les ouvrières construisent une alvéole royale au bas ou sur le côté d'un cadre. La reine, dont le seul grand rôle est de pondre, viendra donc déposer un œuf dans cette alvéole royale. Au même moment, la vieille reine sera moins bien nourrie par sa cour, ce qui aura pour effet de diminuer la taille de ses ovaires et lui permettra de voler, car elle devra quitter la ruche à la naissance de la nouvelle reine.
Les abeilles nourrices s'occuperont de nourrir la larve de future reine avec de la gelée royale spéciale contenant de la royalactine. Environ 16 jours plus tard, la nouvelle reine est née. Comme il ne peut y avoir qu'une seule reine par ruche, l'ancienne reine quittera la ruche avec la moitié de l'essaim et laissera sa place à la jeune reine qui se fera féconder dans quelques jours.
Une larve de reine baignant dans de la gelée royale
Dans le cas (très fréquent) où les ouvrières ont élevé plusieurs reines (au cas où certaines mourraient) les nouvelles reines vont s'entretuer pour rester seules dirigeantes de la ruche. Par contre, quelques fois, la première reine née peut ne pas avoir eu le temps de manger ses sœurs ou de les combattre, et à ce moment, la ruche peut vivre un essaimage secondaire, tertiaire, etc, c'est-à dire que la colonie se séparera en deux, puis la moitié qui reste se séparera encore en deux, et ainsi de suite. L'essaimage est souvent un cauchemar pour l'apiculteur, car en plus de perdre une reine féconde, il peut voir la population de la ruche être réduite à la taille d'un poing dû aux multiples divisions de la colonie.
Chacune de ces alvéoles d'essaimage créera une nouvelle reine et divisera la ruche en deux
L'essaim qui quitte la ruche avec la vieille reine est très doux. En effet, les abeilles se sont gavées de miel avant leur départ. Résultat : elles ont de la difficulté à piquer, car elles ne peuvent pas plier leur abdomen correctement à cause de tout le miel qu'elles ont consommé. En général, le petit essaim se posera près de l'ancienne ruche, par exemple sur une branche d'arbre (ce qui le rend difficilement récupérable par l'apiculteur). Des abeilles iront faire des vols de reconnaissance pour trouver un nouveau site idéal, et l'essaim ira s'y installer un peu plus tard.
Récupération d'un essaim
Un essaim est facilement repérable par la grosse grappe d'abeilles qui entoure la reine. Pour récupérer la petite colonie qui vient d'essaimer, il suffit de secouer la grappe d'abeilles au-dessus d'une hausse remplie de cadres vides. Une fois que la reine sera tombée dedans, les autres abeilles suivront.
L'essaimage, même s'il permet de créer de nouvelles colonies, n'est pas vraiment souhaitable, car les abeilles se promènent un peu partout et provoquent souvent la panique des voisins, surtout en milieu urbain.
Endroits peu pratiques (et même problématiques) où se poser pour l'essaim
Les signes avant-coureurs
Plusieurs raisons peuvent justifier un essaimage, et il peut se produire tout au long de la saison, particulièrement lors des périodes de canicule où il fait très chaud.
1. L'aération
La reine, en plus d'être la seule à pouvoir pondre des œufs fécondés, dégage des phéromones (une molécule chimique) qui donnent une identité propre à chaque ruche. C'est de cette manière que les abeilles arrivent à reconnaître leur ruche. De plus, les phéromones gardent la colonie soudée, car lorsqu'elles sentent les phéromones de la reine, les abeilles savent que leur souveraine est présente et féconde. Toutefois, quand il fait extrêmement chaud et que l'aération de la ruche devient plus difficile pour les ventileuses, les phéromones de la reines sont moins bien dispersées et moins bien perçues par les abeilles. Celles-ci pensent alors que la reine est morte ou défaillante, et elles commencent à élever de nouvelles reines pour la remplacer.
Solution : Pour remédier à ce problème, il suffit d'enlever le tiroir de la base de la ruche (dont sont dotées certains modèles de ruches). L'air circulera beaucoup mieux à travers le plancher grillagé et les phéromones seront bien distribués dans l'ensemble de la ruche. En plus, les ventileuses auront à moins travailler.
Lorsque les abeilles mettent leur abdomen en l'air en battant des ailes juste devant la ruche,
c'est signe qu'elles ventilent la ruche
2. Une surpopulation d'abeilles
Très semblable au problème du manque d'aération, une surpopulation d'abeilles cause une moins bonne diffusion des phéromones dans la ruche. La densité de population est si élevée que les ouvrières qui sont loin de la reine ne reçoivent plus de signal de sa part, et elles la croient morte ou défaillante.
Solution : Si la ruche ne possède pas déjà de deuxième hausse, il est grand temps d'en ajouter une. Les abeilles se dirigeront vers la hausse et y bâtiront des cadres, ce qui baissera la densité de population et favorisera la dispersion des phéromones. Si une deuxième hausse est déjà présente, il est possible d'enlever 2 à 3 cadres de couvain operculé, c'est-à-dire dont l'alvéole des larves est scellée et aucun soin de la part des nourricières n'est nécessaire d'ici à leur naissance, et de placer ces cadres d'abeilles prêtes à naître dans la hausse à miel. Il faut ensuite remplacer les cadres operculés de la hausse à couvain par des cadres vides (pour faire travailler les abeilles cirières) et des cadres bâtis (pour que la reine puisse pondre à nouveau rapidement). Les abeilles des cadres enlevés naîtront hors de la hausse de couvain et rempliront ensuite leurs cadres de miel, ou alors les cadres (une fois vides) peuvent être remis dans la hausse à couvain pour accueillir de nouveaux œufs.
Ruche qui aurait grandement besoin d'une deuxième hausse
Si la reine pond abondamment et que la colonie est vigoureuse, il est possible de mettre une deuxième hausse à couvain, et non à miel. L'avantage de deux hausses à couvain, c'est qu'il est plus facile de produire des nucléis, il y a moins de chance qu'il y ait une congestion du couvain et la méthode Demaree peut être utilisée pour freiner l'essaimage.
La méthode Demaree nécessite un minimum de 4 hausses : deux de couvain, une de miel et une vide.
Tout d'abord, il faut localiser la reine. Une fois trouvée, il faut placer la hausse où elle se trouve tout en bas.
Deuxièmement, il faut mettre la hausse vide sur la hausse de couvain, puis la recouvrir de la gille à reine.
Troisièmement, la hausse de miel est placée sur la hausse vide et la grille à reine, et au sommet est mise la deuxième hausse
à couvain dépourvue de reine.
Schéma de la méthode Demaree
Ce qui va se passer, c'est que la hausse vide deviendra la nouvelle deuxième hausse de couvain, et la hausse de couvain du haut sera prise en charge par les ouvrières. Une fois que toutes les larves qui s'y trouvaient seront arrivées à maturité, la hausse servira à entreposer le miel. La congestion de la ponte aura été évitée avec l'ajout d'une nouvelle hausse à bâtir. Pour faciliter le travail des abeilles, des cadres déjà bâtis, mais vides, peuvent être placés dans la hausse vide.
3. Le manque d'espace
La ruche est pareille à une grosse famille. Quand les enfants grandissent et deviennent nombreux, il n'y a plus assez de place pour entreposer la nourriture. Quelqu'un doit déménager pour faire de la place, sinon tout le monde court à sa perte. La colonie va donc se séparer en deux et la moitié des abeilles partira se trouver un nouvel appartement dans la forêt (petite différence de nos familles humaines ; chez les abeilles, c'est la mère qui se fait chasser de sa maison et c'est sa fille qui garde la demeure.)
Solution : Pour éviter l'essaimage de la colonie et la perte d'un grand nombre d'abeilles, il faut donc ajouter des hausses à la ruche dès que le besoin s'en fait sentir. En général, une deuxième hausse munie d'une grille à reine (pour empêcher la reine de pondre et ne récolter que du miel dans la deuxième hausse) est ajoutée quand il ne reste que 2 à 3 cadres vides. Toutefois, quand il fait très chaud et que l'aération est moins bonne, une autre hausse peut être ajoutée quand il ne reste que 5 cadres à peu près vides, soit lorsqu'un peu plus que la moitié des cadres sont bâtis.
Lorsque les abeilles construisent des débuts de rayons sur le dessus des cadres,
il est grand temps d'ajouter lune hausse
4. Une vieille reine
Un peu comme la ménopause chez la femme, une reine qui devient âgée produit moins, voire plus du tout, de phéromones pour maintenir la cohésion et l'organisation de la ruche. Les ouvrières comprennent alors (pour de vrai, et pas par un manque d'aération) que la reine est défaillante et se fait vieille. Elles veulent alors la remplacer.
Solution : Il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que de remplacer la reine en la tuant, puis en y insérant une nouvelle qui est plus jeune. Pour éviter ce genre de problème et s'assurer d'une bonne fécondité de la reine, il est préférable de remplacer la reine à tous les deux ans. Toutefois, si la reine a des comportements très appréciés et que l'on désire la garder jusqu'à sa mort, il est possible de couper l'une des ailes de la reine. Cette mesure assez décisive empêchera la reine de partir avec la moitié de l'essaim en volant.
La coupe d'une aile de reine est une manipulation très délicate
5. Disposition génétique
Bien que toutes les reines remplissent des rôles identiques, il n'en reste pas moins qu'elles ont des patrimoines génétiques qui leurs sont propres et qui diffèrent d'une reine à l'autre, même si elles appartiennent à la même espèce. Une reine peut donc avoir un comportement qui stimule ou favorise l'essaimage.
Solution : Dans ce cas-ci, il vaut mieux changer la reine et éviter les problèmes inutiles.
6. Miellées
Quand les ressources abondent et que l'expansion du couvain est à son maximum, les abeilles peuvent vouloir fonder une nouvelle colonie en essaimant.
Solution : Visiter la ruche au maximum tous les 10 jours et supprimer les cellules royales rencontrées.
Une abeille se régalant de nectar
(Une abeille rapporte environ 40 ml de nectar à chaque sortie, soit la moitié de son poids !)
Le remérage (ou supersédure)
Que se passe-t-il lorsque la reine, pour une quelconque raison, vient à mourir ou disparait ? La colonie n'est-elle pas condamnée à mourir, car la reine n'a pas pu pondre d'œufs dans les cellules d'essaimage et donc aucune nouvelle reine ne peut être élevée ?
Pas de panique, les abeilles ont plus d'un tour dans leur sac !
Pour créer une reine, il n'est pas nécessaire que l'œuf ait été pondu dans une alvéole royale. Ce qui différencie une reine d'une ouvrière, c'est l'alimentation qu'elle reçoit à l'état larvaire.
Lorsque les ouvrières ne reçoivent plus du tout de phéromones de la reine et que la ponte s'arrête soudainement, le processus de remérage est enclenché.
Comme la reine n'a pas eu le temps de pondre dans les alvéoles d'essaimage, les abeilles vont choisir une alvéole d'ouvrière déjà munie d'une larve et vont commencer à nourrir celle-ci avec de la gelée royale contenant la protéine qui développe les ovaires. Ainsi, la larve qui était à la base une ouvrière pourra bien se faire féconder par les faux-bourdons.
Une larve d'ouvrière devenue une reine dans sa grande alvéole royale
Comment différencier les cellules d'essaimage des cellules de remérage ?
Les alvéoles d'essaimage se retrouvent en périphérie et sous les cadres, car elles sont conçues spécialement pour accueillir des reines et sont donc séparées du couvain. Les alvéoles de remérage, quant à elles, sont construites dans l'urgence à partir de jeunes larves d'ouvrières déjà existantes, et vont par conséquent se situer vers le milieu des cadres de couvain.
Lorsqu'une visite est faite et qu'il y a la présence de cellules d'essaimage, il est important de toutes les écraser et de les enlever, car une seule cellule oubliée peut provoquer un essaimage. Par contre, lorsqu'il y a découverte d'une cellule de remérage, il vaut mieux la laisser afin que la colonie remplace sa reine, à moins d'y insérer une autre reine déjà fécondée.
Alvéoles de remérage Alvéole d'essaimage
Pour conclure, la reine a beau pondre des œufs et assurer non seulement la survie et la division de sa colonie, ce n'est pas elle qui décide de tout. Les ouvrières décident s'il est temps de créer d'autres reines et, s'il est nécessaire, peuvent remplacer leur défunte reine par elles-mêmes. Toutes ces décisions collectives et complexes prouvent encore une fois que les abeilles sont des êtres intelligents qui travaillent harmonieusement pour le bien de leur colonie.
« Ce qui n'est point utile à l'essaim, n'est point utile à l'abeille. »
- Montesquieu

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Coralie Nadeau
20 mai 2020

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photo : Coralie Nadeau

